En attendant Rossel, Hersant empire. (source Libération)

Publié le par CGT Voix du Nord

Ban. Annoncé depuis six mois, le mariage entre le prospère éditeur belge et le groupe de presse français dépend de la restructuration de certains titres de ce dernier.

C’est l’histoire de deux groupes de presse qui voulaient se marier. Dans le rôle de l’époux viril et friqué, le groupe belge Rossel (le Soir, la Voix du Nord). Dans celui de la promise désargentée, le Groupe Hersant Média (GHM), qui détient l’Union, la Provence...

GHM, très endetté, négocie actuellement un accord avec ses banques, qui posent leurs conditions. Tout comme Rossel, en position de force - après tout, c’est un mariage de raison. Résultat, GHM - l’empire de presse fondé par le papivore Robert Hersant et aujourd’hui géré par son fils Philippe - croule sous les liquidations, les cessions, les restructurations...

Et les plans sociaux, dont le plus gros de l’année 2011 : avec la liquidation de sa filiale de journaux gratuits d’annonces, la Comareg (Paru Vendu) , ce sont 1 650 salariés que GHM a mis sur le carreau en décembre. Longtemps vache à lait du groupe (370 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007), la Comareg a subi de plein fouet l’effondrement du marché de la publicité sur le papier, sans anticiper sa mutation sur Internet. Fin décembre 2007, le groupe avait pourtant donné le change en achetant au prix fort - 160 millions d’euros - le pôle de presse quotidienne régionale de Lagardère dans le sud de la France (la Provence, Corse-Matin, Nice-Matin, Var-Matin et Marseille Plus).

Mirage.

Mais, de 926 millions d’euros cette année-là, le chiffre d’affaires du groupe a dégringolé à 700 millions d’euros en 2010. « Aujourd’hui, on paie les conséquences de dix ans d’erreurs stratégiques, d’investissements à contre-courant », s’indigne un syndicaliste. Erosion du lectorat, baisse des revenus publicitaires, mirage de la télé locale, dont le groupe s’est désengagé depuis, outil de production obsolète et bricolé (imprimerie de Rouen) ou cher et mal adapté (celle de Reims), « dix ans de retard sur Internet », et une « absence totale de synergies entre les titres », regrettent des salariés... Le groupe doit désormais faire face à une colossale dette bancaire de 200 millions d’euros.

Après de longues négociations, les banques auraient accepté un abandon de créances de 50 millions d’euros, en échange de la cession d’un certain nombre d’actifs jugés non stratégiques. Notamment une partie des journaux ultramarins, déjà vendus (le Journal de l’Ile de la Réunion) ou en passe de l’être (les Nouvelles calédoniennes, les Nouvelles de Tahiti, la Dépêche de Tahiti). Il ne reste que les journaux de la Martinique, de Guadeloupe et de Guyane.

Les banques ont aussi obtenu la possibilité d’entrer au capital de la future société commune GHM-Rossel. Cette holding, à 50/50 mais avec un exécutif aux mains de Rossel, rassemblerait leurs activités de presse régionale dans le nord, l’est et le sud-est de la France...Soit le troisième groupe de presse en France, avec 900 000 exemplaires par jour. Mais, plus de six mois après l’annonce du mariage, en octobre, l’accord n’a toujours pas été signé. Il est suspendu, dit-on, à la restructuration de la dette de GHM, elle-même suspendue à une éventuelle aumône de Bercy, attendue après la présidentielle.

« Chantage ».

Il est suspendu, aussi, à la restructuration de certains actifs déficitaires de GHM, dont Rossel ne veut pas en l’état. Dans le collimateur, le pôle Champagne-Ardennes-Picardie (Pôle CAP : l’Union, l’Ardennais, l’Est Eclair...) et le Pôle normand (Paris-Normandie, Le Havre libre...). Ce dernier, en redressement judiciaire, ne faisait pas partie de la corbeille de mariage. Mais parmi les offres de reprises déposées la semaine dernière figurait celle du groupe Rossel. Celle-ci prévoit la suppression de 120 emplois sur 362. Et conditionne une reprise de Paris-Normandie au succès de la restructuration chez leurs cousins du Pôle CAP...

Du côté de Reims en effet, la direction de GHM a annoncé aux salariés, le 9 mai, un plan social de 270 suppressions de postes (sur 650 au total dans le Pôle CAP). Les syndicats ont moins d’un mois pour négocier. « C’est du chantage, s’étrangle Philippe Mellet, délégué SNJ à l’Union. On nous met le couteau sous la gorge en nous disant : "C’est ça ou Rossel ne vient pas.

C’est ça ou le tribunal de commerce." » Lui, comme beaucoup d’autres personnes interrogées, en est persuadé : « Avec ce plan social, on demande au cédant de faire le ménage pour que le repreneur trouve place nette. C’est Hersant qui fait le sale boulot. » Aucune réduction d’effectif n’avait été menée jusque-là, parce que le précédent patron du Pôle, Jacques Tillier, s’y opposait.

Viré mi-avril, ce « personnage », selon un salarié, qui a roulé sa bosse à la DST, à Minute puis dans les titres réunionnais de GHM, conteste actuellement son licenciement devant les tribunaux. Sollicitée, la direction du groupe n’a pas souhaité répondre à nos questions. « Le problème n’est pas Rossel, note un bon connaisseur du dossier. Le problème, c’est Hersant : vous ne pouvez pas gérer convenablement une entreprise française depuis les bords du lac Léman. »

Car pendant ce temps-là, Philippe Hersant, résident suisse, rachète des journaux helvètes, qui se portent bien mieux que leurs équivalents hexagonaux. L’héritier Hersant est propriétaire, via sa société Editions Suisses Holding, de la Côte, l’Express, l’Impartial, et actionnaire principal du Nouvelliste. Un exilé fiscal modèle, en somme.

Publié dans ROSSEL

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